2.1.1 Scénario 1 : Le délacement des lianes
À l’horizon 2040, l’engagement communautaire des États membres de l’UEMOA est remis en question, pendant que les économies au sein de la zone manquent de faire l’objet d’une transformation structurelle.
Dans ce scenario, le dispositif institutionnel de l’UEMOA est de plus en plus instable et fragile. Avec la création d'autres groupements d’États et la persistance de l'insécurité liée au terrorisme, l'Union connait une nouvelle dynamique géopolitique qui entraine des divergences de plus en plus marquées. En rapport avec les difficultés accrues de mobilisation du Prélèvement Communautaire de Solidarité (PCS), la Commission n’est pas en mesure d’assumer pleinement ses missions. La dynamique et les idéaux d’intégration de l’Afrique de l’Ouest sont fragilisés à maints égards, tant au sein de l’UEMOA stricto sensu qu’à l’échelle plus large de la CEDEAO. La crédibilité et la force institutionnelle de l’UEMOA en pâtissent.
Souffrant des phénomènes d’insécurité et d’instabilité qui ternissent l’image de la zone, les économies nationales au sein de l’UEMOA ne décollent pas. Les politiques communautaires sont de moins en moins suivies par les huit États membres. L’harmonisation des politiques économiques et les grands projets visant la mise en place d’un marché commun connecté n’avancent plus. Le coût élevé des facteurs (énergie, transport, connectivité…) et le cadre des affaires peu favorable, en raison d'une image négative persistante de la zone et de la faiblesse des dispositifs d’incitation, concourent à freiner l’investissement et le développement du secteur privé. Les échanges intracommunautaires, au lieu de se renforcer, s’affaiblissent, passant à l’horizon 2040, de leur niveau de 13-15%5 actuel du total des échanges des pays de l’Union, à 10% à peine. De même, le niveau d’industrialisation se dégrade au lieu de se renforcer : le poids de l’industrie dans le PIB chute ainsi de 22% à 17%, et la part des biens manufacturés dans les exportations stagne à 11%6. Il n’émerge pas de filières compétitives à forte valeur ajoutée. Par conséquent, avec des exportations toujours composées essentiellement des matières premières et des importations concernant quasi exclusivement des produits finis, la balance commerciale de la zone continue de se dégrader, le déficit commercial passe ainsi de 8,7% du PIB en 20227 à 12% en 2040. Le tissu économique reste peu dense et l’économie demeure fortement informelle, avec moins de 60 entreprises formelles pour 10 000 habitants. Tous les États de l’Union souffrent de l’atonie économique globale de la zone, chaque État s’appuyant désormais essentiellement sur ses politiques nationales pour essayer de sortir la tête de l’eau.
En 2040, la zone UEMOA est dans une situation particulièrement fragile, et sa pérennité est menacée. La morosité économique et le niveau particulièrement critique du chômage des jeunes favorisent la montée des populismes nationaux. Les capacités d’adaptation au changement climatique se réduisent et l’insécurité alimentaire se renforce pour tendre vers une crise humanitaire. « L’utilité » de l’UEMOA est fortement remise en question. L’Union est dans une situation fragile et instable, et sa pérennité est menacée. En 2040, l’UEMOA s’enfonce dans le scénario particulièrement inquiétant du délacement des lianes.
5 BCEAO
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7 Banque Mondiale, BCEAO et OMC